C'est la faute du roi

Ce matin-là, alors que les oiseaux chantaient et que le soleil commençait à peine sa lente et bancale ascension dans le ciel, l'on m'avait convié à la plus ingrate des tâches. Levée aux aurores, je m'étais rendue comme l'exigeait mon rang d'esclave au chevet de mon maître, Balrog. Ce dernier n'ayant pas spécialement besoin de mes services de si bon matin m'envoya directement aux égouts. Ma missive ? Nettoyer les parois répugnantes salies par tous les loups et dont la tâche de nettoyage revenait seulement aux esclaves. Pourquoi ? La justice du royaume allait ainsi. Seul les plus miséreux, ceux au plus bas de l'échelon, s'accaparait de tâches aussi ingrates et répugnantes. Voilà maintenant de longues heures que je nettoyais le même mur. Je n'avais guère l'impression que mon passage effaçait les traces du passage précédents des autres loups. Non. J'avais juste l'impression de trimer pour rien. Juste pour faire plaisir à monsieur Balrog et aux autres hauts-rangs du royaume qui en passant, estimeraient peut-être, je dis bien peut-être, que mon passage eusse été utile. La différence pour moi était imperceptible et ce travail en plus d'être long, rébarbatif et pénible, n'avait d'utilité que de me donner une charge. Combien de temps faudrait-il pour qu'un autre loup vienne à dégueulasser de nouveau les murs ? Une minute ? Deux ? Une dizaine de minutes dans le meilleur des cas. Alors, à quoi bon travailler ? Pourquoi travailler ainsi d'arrache-pied pour que le travail soit réduit au néant dans quelques instants seulement ? Parce que j'y étais obligée. Obligée par mon grade lamentable. Je ne pouvais qu'exécuter ce qu'on me demandait. Sinon, qu'est-ce qui m'arriverait ? Je serai mise à mort ou bien je serais enfermée dans la prison. À quoi bon ? Je préfère être libre plutôt que de croupir dans une cellule et la mort, elle ne me fait pas peur et si elle doit venir, je l'attends de pattes fermes.

Je lance un long soupir de désespoir et d'ennui. Mes pattes glissent contre la paroi un peu moins sale qu'à mon arrivée. Mes membres postérieurs commencent à s'engourdir et mes membres antérieurs me tiraillent. Bientôt, je n'aurais plus la force de frotter ce mur. M'accorderais-je alors une petite pause ? Il le faudrait bien. J'espérais seulement ne pas être vu. Je n'étais pas l'esclave modèle, mais n'était pas non plus le mauvais bougre. Une présence se fit sentir. Pas olfactivement, mais sensoriellement. La puanteur des lieux m'empêcha d'identifier l'animal à l'odeur. N'ayant pas envie d'être prise en délit de paresse, je m'activai particulièrement dès l'entrée en scène de l'âme en ce lieu.

« Slicing ! … »

Je m'apprête à me retourner. Je reconnais cette voix, néanmoins, il y a quelque chose de différent dans cette dernière. Sans que je n'aie le temps de faire quoi que ce soit, je sens une lourde charge s'amasser sur mon dos. Mes pattes lâchent et je me retrouve plaquée au sol. Sparkling Moon, la reine de ce royaume, s'agrippe à mon corps et s'aidant de ses ailes, me maintient fermement au sol. Ravalant un grognement de surprise et d'interrogation, je vois un sourire s'accrocher à ses lèvres et elle vient à me murmurer qu'elle ne me ferait aucun mal. Ah bon ? Ce n'est pas l'impression que j'en ai. Qu'est-ce que j'ai encore fait pour mériter cela ? Ne suis-je déjà pas assez rabaissée ? Faut-il encore que l'on me force à me prosterner. Alors, là jamais ! J'accepte déjà mal ma condition d'esclave, ce n'est pas en plus pour me faire ainsi traité. Un sourire mesquin et tranchant s'affiche sur mon visage. Mon bâton n'est pas très loin. Du bout de la patte, j'arrive à l'atteindre. Alors, discrètement, je le rapproche de ma gueule, m'aidant toujours de mes pattes, me tortillant ainsi légèrement sous Sparkling Moon. Enfin, je réussie à m'en saisir lorsque je tourne la tête. Entre mes crocs et sous l'effet de je ne sais quoi, ce dernier se transforme en métal acéré. Je n'ai le droit qu'à quelques secondes de répits avant qu'il ne vienne à m'infliger à moi-aussi des blessures. Choisissant que ce serait une diversion, je tente de donner un coup de bassin à la louve blanche, afin de me dégager de son emprise.